L’érythrone d’Amérique, plante comestible printanière et éphémère

 

Le printemps est une période propice à la cueillette des plantes sauvages. Caractérisée par une flore unique, il est possible de cueillir des feuilles tendres, des fleurs et des racines de saison. C’est une période d’abondance! Dans cet article, découvrez l’érythrone d’Amérique (Erythronium americanum), une espèce printanière comestible, et apprenez à la cueillir de façon responsable.

 

Vous la connaissez peut-être sous le nom d’ail doux, malgré le fait qu’elle n’a aucun goût d’ail!

Ce nom provient de la similitude de la forme de ses feuilles avec celles de l’ail des bois. Présente dans les forêts du sud et de l’ouest du Québec, vous l’avez peut-être déjà remarqué, dès le début du mois de mai, lorsqu’elle couvre le parterre des sous-bois des érablières ou des forêts mixtes. Pourquoi arrive-t-elle si tôt en saison? Puisque les arbres n’ont pas encore leurs feuilles, la lumière est plus abondante dans les sous-bois à cette période de l’année. Elle s’est donc adaptée à faire son cycle de vie sur une période très courte. Sa présence est éphémère aussi bien qu’au début de l’été, son cycle est déjà complété. Ses parties aériennes disparaissent et laissent place aux autres plantes de sous-bois. Elle entre alors en dormance pour recommencer son cycle au printemps suivant grâce à l’énergie emmagasinée dans ses parties souterraines.


Identification

 

C’est une plante de petite taille (15-20 cm) qui pousse en vastes colonies. Ses jeunes plants portent une seule feuille et les plants matures ont deux feuilles opposées. Les plants matures sont les seuls qui fleurissent et ils sont plus rares (2 à 10 % des individus fleurissent) que les jeunes plants à une seule feuille. Sa magnifique fleur jaune, pendante et composée de trois pétales se remarque facilement au printemps. Ses feuilles sont lancéolées, vert pâle et tachetées de brun. Les tâches ont tendance à pâlir avec le temps pour devenir blanchâtres puis disparaissent presque complètement juste avant que les feuilles se décomposent. Elle porte un petit bulbe, enfoui profondément dans le sol.

Cueillette

Toute la plante est comestible et chaque partie est intéressante à cueillir : feuille, bulbe et fleur. On cueille facilement les feuilles et les fleurs avec les mains. Les taches brunes sur les feuilles font partie de la couleur de la plante et ne sont pas un signe de maladie ou de décomposition. C’est lorsqu’elles deviennent molles et se fanent, au début de l’été, qu’il est trop tard pour les récolter. Le bulbe est petit et il est plus facile de le récolter avec une truelle, car il est profondément enfoui. Il est bon de savoir qu’il devient encore plus petit après l’émergence de la partie aérienne.

 
 

Utilisation

L’érythrone est une plante qui s’utilise avec simplicité. Ses feuilles, légèrement sucrées, se grignotent telles quelles lors d’une balade en forêt. Une fois hachées, elles s’ajoutent bien aux salades. Il est aussi possible de les faire cuire en les sautant légèrement à la poêle. C’est d’ailleurs ma façon préférée de les apprêter. Elles se cuisinent comme des épinards et leur goût est très agréable! Les fleurs sont magnifiques en salade et dans divers plats en guise de décoration. Leur goût est doux et leur texture est délicate. Les bulbes peuvent être mangés crus, mais une fois cuits, ils deviennent doux et sucrés. On peut aussi les faire sécher afin de les réhydrater et de les cuire plus tard. L’infusion des feuilles inhibe la croissance d’un large éventail de bactéries et peut être appliquée sur les blessures comme antiseptique. Comme c’est une plante à croissance lente, je préfère ne pas l’utiliser pour ses propriétés médicinales, mais plutôt avec modération en cuisine.

 

Pour une cueillette responsable

C’est une plante qu’il faut cueillir avec discernement. Elle met 7 à 10 ans pour fleurir et produire des graines! Elle se reproduit par ses graines, mais aussi de façon très efficace par ses parties souterraines. C’est pour cela qu’elle peut former de grandes colonies. Chaque année, le plant produit, à sa base, trois stolons qui forment de nouveaux bulbes. Je suggère de cueillir seulement une feuille sur les plants matures parce que si les 2 feuilles sont prélevées, le bulbe va s’épuiser et le plant va mourir. Cueillir la fleur l’empêchera de faire ses graines. Il faut aussi savoir que la récolte du bulbe signifie la disparition du plant. Bref, il faut faire preuve de discernement, en fonction de la quantité de spécimens dans la talle. Par exemple, dans ma forêt, j’ai beaucoup de jeunes plants. Je cueille seulement quelques feuilles parmi ceux-ci et j’évite d’en cueillir sur les plants matures.

 
 

Précaution

Dans tous les cas, il faut toujours consommer avec modération une plante sauvage que l’on mange pour la première fois. Même une plante comestible ou médicinale bien connue et inoffensive peut entraîner des effets ou des réactions indésirables chez certaines personnes. Pour l’érythrone, les bulbes peuvent parfois causer une sensation de brûlure au toucher. Il faut ingérer les bulbes et les feuilles avec modération puisqu’en trop grande quantité, ils peuvent causer des troubles digestifs et des vomissements. Raison de plus pour respecter la règle de toujours manger en petite quantité la première fois! Si vous la tolérez bien, vous pourrez en manger davantage la fois suivante.

Conclusion

L’éthrone d’Amérique est une espèce printanière intéressante à découvrir. En plus d’être facile à identifier, elle est souvent abondante dans son habitat. Elle n’est pas la seule plante printanière à cycle de vie court, pensons à la claytonie de Caroline (Claytonia caroliniana), la dentaire à deux feuilles (Cardamine diphylla) et l’ail des bois (Allium tricoccum), aussi comestibles, qui se retrouvent fréquemment dans le même habitat. Ce sont aussi des plantes à croissances lentes, à cueillir avec discernement. Dans tous les cas, vous comprendrez que chaque plante est unique et qu’il est important de bien s’informer avant de les cueillir pour éviter de leur nuire, mais aussi pour les consommer en toute sécurité!

Cet article à été rédigé dans le cadre de l’édition printanière 2023 du magazine Le progrès forestier.

 

Pour en savoir plus sur les plantes sauvages, consultez nos ateliers en forêt et nos cours en ligne.

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